LATTÈS_MARCAS

« Les Français, où qu’ils le cherchent, ont besoin de merveilleux. » Charles de Gaulle​

De Gaulle et la Providence

Par Éric Giacometti

Avouez-le, voir apparaître de Gaulle dans un Marcas relève de l’insolite. Le chef de la France libre, le créateur de la Ve République, nos institutions actuelles, le Président qui a gouverné la France de 1959 à 1969, n’est pas à proprement parler une figure que l’on s’attendrait à trouver dans ce genre de thriller.
Pourtant, il existe une dimension chez lui qui saute aux yeux quand on lit ses Mémoires et ses biographies. Sa mystique de la France. Une obsession, une passion dévorante qui nous a interpellés et qui fait sa singularité par rapport à ses successeurs. S’il est vrai que les hommes politiques de tous bords aiment à se gargariser de longs discours sur la grandeur de notre pays, de Gaulle l’éprouvait dans sa chair et son âme. Même ses détracteurs les plus farouches le lui reconnaissent. Ce qui n’occulte en rien ses zones d’ombre, sa personnalité abrupte, ses erreurs de jugement, ses inimitiés ou ses travers d’autoritarisme inhérents à tout chef d’État dont la personnalité se révèle plus forte que la fonction elle-même.

La France est veuve

Dans les années 1960, au firmament de sa présidence, pour des millions de compatriotes, mais aussi à l’étranger, de Gaulle était la France et la France était de Gaulle. Alors même qu’une partie de ses compatriotes lui était hostile, de gauche et de droite. Je peux en témoigner, j’ai vécu mon enfance dans une famille qui avait vénéré le de Gaulle de la Résistance et détesté celui de la guerre d’Algérie. Il n’empêche. À sa mort, le 9 novembre 1970, son successeur Georges Pompidou dira : « La France est veuve. » Ce jour-là, de Gaulle quittait la politique pour entrer, de sa démarche de géant, dans l’histoire de France. Et du monde. Le mythe de Gaulle était né.
Pour notre part, avec Jacques nous étions fascinés par le moment de bascule dans la vie de l’homme de la croix de Lorraine. Très exactement le 17 juin 1940. Pourquoi, alors que la France venait d’être vaincue, cet obscur général de fraîche date, ce sous-secrétaire à la Défense, élevé dans une tradition familiale et militaire d’obéissance et de respect de la hiérarchie, cet officier de droite traditionnelle se rebelle-t-il pour continuer le combat en Angleterre ? Il se réveille au matin du 17 juin avec cette certitude. Seul ou presque. Les Français, eux, tétanisés par la défaite, n’avaient d’yeux que pour un autre soldat, le maréchal Pétain, le vainqueur de Verdun, le seul qui incarnait à leurs yeux la patrie éternelle.

Le général, la princesse et la madone

Que s’était-il donc passé en ce sombre matin de juin dans son esprit enfiévré pour que de Gaulle se sente investi d’une telle mission ? Sauver la France, ni plus ni moins. Sans armes, sans soldats, sans aucun appui politique et financier de son propre pays. À quarante-neuf ans, de Gaulle est un homme mûr, presque au seuil de la retraite militaire, chargé de famille. Il n’a ni l’énergie ni la fougue de la jeunesse. Ce n’est ni Alexandre le Grand, qui part conquérir l’Asie à vingt et un ans, ni Napoléon, devenu empereur à trente-cinq. Se croire un destin à cet âge, sans soutien, si ce n’est du Premier ministre anglais Churchill – et encore –, implique une sacrée dose d’inconscience, d’orgueil, de vanité et d’assurance. Mais aussi – et surtout – la conscience indicible, irrationnelle, d’un lien mystique entre sa personne et la France. Il l’écrit au tout début du premier chapitre de ses Mémoires de guerre :
« Toute ma vie, je me suis fait une certaine idée de la France. Le sentiment me l’inspire aussi bien que la raison. Ce qu’il y a, en moi, d’affectif imagine naturellement la France, telle la princesse des contes ou la madone aux fresques des murs, comme vouée à une destinée éminente et exceptionnelle. J’ai, d’instinct, l’impression que la Providence l’a créée pour des succès achevés ou des malheurs exemplaires (…). Cette foi a grandi en même temps que moi dans le milieu où je suis né. »

À 15 ans, il se voit en général, sauveur de la France

« La gloire se donne seulement à ceux qui l’ont toujours rêvée », aimait-il à dire à son entourage.
Et c’est dans sa jeunesse que les premiers songes de gloire apparaissent. En Belgique, chez des jésuites, il exprimera pour la première fois la manifestation de sa destinée. Envoyé en 1905 en classe préparatoire au collège du Sacré-Cœur du château d’Antoing, il écrit à l’âge de 15 ans un récit intitulé Campagne d’Allemagne dans lequel il prophétise une invasion de la France par l’Allemagne en 1930 . Et il s’y met en scène, à la troisième personne en tant que… général de Gaulle, sauveur du pays. La nouvelle de treize pages décrit, avec des détails d’une précision toute militaire, une succession de batailles menées par ce général intrépide.
« Trois armées allemandes franchirent les Vosges. (…) En France, l’organisation fut faite très rapidement. Le général de Gaulle fut mis à la tête de 200 000 hommes et de 518 canons. »
Il ne passe pas inaperçu chez ses condisciples et ses professeurs. Lors d’un discours de remerciement pour l’un des pères jésuites, il déclamera avec fougue : « L’avenir est à nous car il sera pétri de nos œuvres. » Et l’un de ses condisciples, irrité par sa grandiloquence, lancera devant l’assemblée : « Quel orgueilleux ! »

L’étrange poème prophétique

À l’époque, son cousin Jean de Corbie, qui le connaît bien, écrit ces quelques vers , tout aussi prophétiques à son propos, en le comparant à Napoléon. On croirait presque lire un quatrain de Nostradamus.

Et puisque c’est le même bois
Qui se cache sous une autre écorce
Pourquoi pas donc le grand Gaulois
Aussi bien que le petit Corse ?

Bien des années plus tard, le général confiera à son aide de camp, le capitaine Claude Guy : « J’ai toujours pensé que je serais un jour à la tête de l’État. Oui, il m’a toujours semblé que ça allait de soi. À quarante ans, ma certitude était la même qu’à quinze ans . »

É.G.

L’épouvantable nuit du 16 juin 1940

Pour notre thriller, nous avons imaginé un de Gaulle passant la nuit fatidique du 16 au 17 juin 1940 dans le château de Castelrouge. Et qu’il y avait eu la révélation sur son destin de chef de la France libre. Comme s’il était redevenu l’adolescent exalté. Pour la petite histoire, il subsiste une énigme sur cette nuit. Au soir du 16 juin, à 21 h 30, le général de Gaulle atterrit à l’aéroport de Mérignac à bord d’un avion Flamingo en provenance de Londres. Il rejoint le cabinet du président du Conseil Paul Reynaud, qui vient juste de démissionner. L’affaire est pliée. Le maréchal Pétain va prendre les commandes et de Gaulle, perçu comme jusqu’au-boutiste et anglophile, sera démissionné de son poste. Tout est perdu. Il partira le lendemain pour l’Angleterre pour continuer le combat. Or, aucun spécialiste n’a été capable de confirmer où le général avait dormi, chacun y est allé de son hypothèse. L’historien Henri Amouroux est le seul à l’avoir interrogé directement à ce sujet. Curieusement, de Gaulle est reste mutique, se contentant de répondre que « La nuit avait été épouvantable ».
Peut-être a-t-il réellement rencontré une dame blanche…

GIACOMETTI RAVENNE

MARCAS

Paris, palais de l’Élysée. La cérémonie de passation de pouvoir est en train de se terminer quand on révèle au nouveau chef d’État l’existence du cinquième rituel. Un secret qui ne se transmet qu’entre présidents. Un mystère que nul n’a jamais percé.

Cinq ans plus tard. Alors que de nouvelles élections approchent, un meurtre au cœur d’une obédience maçonnique fait ressortir l’étrange rituel.

La légende devient réalité.

Des profondeurs hantées de Moscou jusqu’à un château maudit : ce que la nuit des temps n’a pu effacer s’apprête à ressurgir.

Et cette fois, Antoine Marcas va devoir affronter son destin.

Marcas
Eric Giacometti et Jacques Ravenne

Giacometti Ravenne

Éric Giacometti est écrivain et ancien journaliste. Il est aussi le scénariste de la bande dessinée Largo Winch.

Jacques Ravenne est écrivain, franc-maçon, spécialiste de la Révolution, et auteur de livres historiques.